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s’agit est, en soi, un fait trop insignifiant pour que les amis intimes de Pavlichtcheff s’en souviennent eux-mêmes après un laps de plus de vingt années ; à plus forte raison monsieur Bourdovsky devait-il l’ignorer, lui qui n’était pas encore né alors. Sans doute, comme l’événement l’a prouvé, il n’est pas impossible aujourd’hui de retrouver la preuve de ce déplacement. Mais je dois avouer que mon enquête a été puissamment aidée par le hasard et qu’elle pouvait fort bien ne pas aboutir. Aussi était-il réellement presque impossible à monsieur Bourdovsky et même à Tchébaroff de se renseigner, en supposant qu’ils aient eu l’idée de le faire. Mais ils ont pu aussi n’y pas songer…

Hippolyte coupa soudain la parole à Gabriel Ardaliononovitch.

— Permettez, monsieur Ivolguine, fit-il avec irritation, — à quoi bon tout ce galimatias (excusez-moi) ? L’affaire est maintenant élucidée, nous consentons à admettre le point principal ; pourquoi donc entrer dans tous ces détails pénibles et blessants ? Vous voulez peut-être vanter l’habileté de vos recherches, faire mousser devant le prince et devant nous vos rares talents d’enquêteur et de détective ? Ou bien prétendez-vous excuser Bourdovsky, le disculper, en prouvant qu’il s’est engagé par ignorance dans cette affaire ? Mais c’est de l’insolence, monsieur ! Bourdovsky, vous devriez le savoir, n’a besoin ni d’être excusé, ni d’être disculpé par vous ! C’est une offense pour lui, et sa situation est déjà bien assez délicate, bien assez pénible sans cela ; comment donc ne le comprenez-vous pas ?…

— Assez, monsieur Térentieff, assez, répliqua Gabriel Ardalionovitch, — calmez-vous, ne vous irritez pas ; vous êtes très-souffrant, à ce qu’il paraît ? Je compatis à votre état. En ce cas, si vous voulez, j’ai fini, c’est-à-dire que je serai forcé de résumer brièvement des faits dont, suivant ma conviction, il ne serait pas inutile de donner un exposé complet, ajouta-t-il en remarquant dans l’auditoire une agitation qui ressemblait à de l’impatience. — Je désire