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qui depuis longtemps déjà demandent à vous voir, ils attendent chez nous en maugréant, et papa ne veut pas les introduire auprès de vous.

— Quels sont ces visiteurs ? interrogea le prince.

— Ils disent qu’ils sont venus pour affaire ; seulement, si on ne les laisse pas entrer, ce sont des gens capables de vous arrêter dans la rue. Il vaut mieux que vous les receviez, Léon Nikolaïévitch, après cela vous en serez débarrassé. Gabriel Ardalionovitch et Ptitzine sont là qui cherchent à leur faire entendre raison, ils n’écoutent rien.

— Le fils de Pavlichtcheff ! Le fils de Pavlichtcheff ! Ce n’est pas la peine, ce n’est pas la peine ! fit Lébédeff en agitant les bras : — il n’y a pas lieu de les entendre, ce serait même inconvenant à vous, excellentissime prince, de vous déranger pour eux. Voilà. Ils ne le méritent pas…

— Le fils de Pavlichtcheff ! Mon Dieu ! s’écria le prince extrêmement troublé : — je sais… mais je… j’avais chargé Gabriel Ardalionovitch de cette affaire. Il vient de me dire…

Mais déjà Gabriel Ardalionovitch sortant de la maison apparaissait sur la terrasse ; Ptitzine le suivait. De la pièce voisine arrivait un bruit de voix parmi lesquelles on distinguait surtout l’organe sonore du général Ivolguine, qui, semblait-il, voulait crier plus fort que les autres. Kolia courut aussitôt à la chambre où on faisait ce tapage.

— C’est très-intéressant ! observa tout haut Eugène Pavlovitch.

« Ainsi, il sait la chose ! » pensa le prince.

— Comment, le fils de Pavlichtcheff ? Et… quel peut être le fils de Pavlichtcheff ? demandait le général Épantchine étonné, et il promenait un regard curieux sur tous les visages, s’apercevant avec surprise qu’il était le seul à ignorer cette nouvelle histoire.

En effet, l’attente se lisait dans tous les yeux, chacun avait l’esprit en suspens. Le prince ne comprenait pas comment une affaire qui lui était toute personnelle pouvait déjà avoir éveillé un intérêt si vif et si général.