et, autant qu’on en pouvait juger à première vue, très-bien portant. Elle demeura stupéfaite, et son désappointement causa un plaisir extraordinaire à Kolia. Sans doute il aurait très-bien pu la détromper avant qu’elle sortît de sa villa, mais le malicieux gymnasiste n’avait eu garde de le faire, pressentant la colère comique que ne manquerait pas d’éprouver la générale lorsqu’elle trouverait le prince, son cher ami, en bonne santé. Kolia poussa même l’indélicatesse jusqu’à s’applaudir tout haut de son succès, pour achever de vexer Élisabeth Prokofievna, avec qui, nonobstant leurs relations d’amitié, il était continuellement en pique.
— Attends un peu, mon cher, ne te presse pas, ne gâte pas ton triomphe ! répondit-elle en prenant place sur un fauteuil que le prince lui avait avancé.
Lébédeff, Ptitzine et Ardalion Alexandrovitch se hâtèrent de faire asseoir les jeunes filles. Le général offrit une chaise à Aglaé. Lébédeff en présenta une aussi au prince Chtch…, ce qu’il fit en s’inclinant jusqu’à la ceinture. Varia, comme de coutume, échangea à voix basse de chaleureux compliments avec les demoiselles.
— C’est vrai, prince, que je croyais te trouver au lit, tant la peur m’avait grossi les choses, et, pourquoi mentirais-je ? sur le moment ta bonne mine m’a mise en colère, mais, je te le jure, cela n’a duré qu’une minute, je n’avais pas encore eu le temps de réfléchir. Quand je réfléchis, je parle et j’agis toujours plus intelligemment ; je crois qu’il en est de même de toi. En réalité, la guérison de mon propre fils, si j’en avais un, me ferait peut-être moins de plaisir que la tienne ; si tu ne le crois pas, c’est pour toi qu’est la honte et non pour moi. Mais ce méchant garçon se permet de me jouer bien d’autres tours. Tu le protéges, paraît-il ; aussi je te préviens qu’un beau matin je me priverai, sois-en sûr, de l’honneur et du plaisir de cultiver plus longtemps sa connaissance.
— Mais de quoi suis-je donc coupable ? cria Kolia : — j’aurais eu beau vous assurer que le prince était presque