deur. Ses filles l’en dissuadèrent ; toutefois elles ne voulurent pas rester en arrière de leur maman, lorsque celle-ci se disposa à aller voir le malade.
— Il est au lit de mort, dit avec animation Élisabeth Prokofievna, — et nous ici, nous observerons encore l’étiquette ? Est-il ou n’est-il pas un ami de notre maison ?
— Mais il ne faut pas entrer dans l’eau sans avoir sondé le gué, observa Aglaé.
— Eh bien, n’y va pas. D’ailleurs, il vaut mieux que tu restes ici. Eugène Pavlitch va venir, il n’y aurait personne pour le recevoir.
Après ces paroles, Aglaé, comme bien on pense, s’empressa de se joindre à sa mère et à ses sœurs, ce qui, du reste, avait toujours été son intention. Le prince Chtch… était venu voir Adélaïde, et, sur la demande de la jeune fille, il consentit immédiatement à accompagner les dames. Dès les premiers temps de sa liaison avec la famille Épantchine, il avait entendu parler du prince dans cette maison, et ce qu’on lui en avait dit l’avait fort intéressé. Lui-même se trouvait connaître Muichkine : trois mois auparavant ils s’étaient rencontrés quelque part et avaient passé quinze jours ensemble dans une petite ville. Chtch… avait raconté aux dames diverses particularités sur le prince, et, en général, il parlait de lui en termes très sympathiques. Aussi ce fut avec un sincère plaisir qu’il accepta la proposition de faire visite à une ancienne connaissance. Cette fois Ivan Fédorovitch ne se trouvait pas à la maison. Eugène Pavlovitch n’était pas encore arrivé non plus.
De la villa des Épantchine à celle de Lébédeff il n’y avait pas plus de trois cents pas. En entrant chez le prince, ce fut pour Élisabeth Prokofievna une première contrariété d’apercevoir autour de lui toute une société, sans compter que parmi ces visiteurs il y en avait deux ou trois qu’elle détestait cordialement. Ensuite, la générale, qui s’attendait à trouver un moribond, fut fort étonnée quand elle vit s’avancer au-devant d’elle un jeune homme souriant, mis avec élégance.