invités : — pourquoi vous émouvoir ainsi ? Et quels visages vous avez tous !
— Mais… rappelez-vous, Nastasia Philippovna, balbutia Totzky, — vous avez fait une promesse… entièrement libre, et vous auriez pu jusqu’à un certain point épargner… J’ai peine à m’exprimer et… sans doute, je suis troublé, mais… En un mot, maintenant, dans un pareil moment, et devant… devant tout le monde, et tout cela si… finir par un petit jeu semblable une affaire sérieuse, une affaire d’honneur et de cœur… d’où dépend…
— Je ne vous comprends pas, Afanase Ivanovitch ; en effet, vous êtes tout dérouté. D’abord, que signifient ces mots : « devant tout le monde » ? Est-ce que nous ne sommes pas dans une société choisie et intime ? Ensuite, que parlez-vous de « petit jeu » ? Je voulais effectivement raconter une anecdote, eh bien, voilà, je l’ai racontée ; est-ce qu’elle n’est pas jolie ? Et pourquoi dire que ce n’est pas sérieux ? Est-ce que cela ne l’est pas ? Vous l’avez entendu, j’ai dit au prince : « Il sera fait comme vous l’aurez dit. » S’il avait dit oui, j’aurais aussitôt donné mon consentement, mais il a dit non, et j’ai refusé. Est-ce que ce n’est pas sérieux ? Ici toute ma vie tenait à un cheveu ; quoi de plus sérieux ?
— Mais le prince, pourquoi faire intervenir ici le prince ? Et qu’est-ce enfin que le prince ? grommela le général, qui pouvait à peine contenir son indignation en voyant accorder tant d’importance à l’opinion de Muichkine.
— Voici ce que le prince est pour moi : c’est le premier homme dont le dévouement sincère m’ait inspiré confiance. Il a cru en moi à première vue et je crois en lui.
Pâle, les lèvres crispées, Gania prit enfin la parole.
— Il ne me reste qu’à remercier Nastasia Philippovna de l’extrême délicatesse dont elle… a fait preuve à mon égard, dit-il d’une voix frémissante ; — sans doute cela devait être… Mais… le prince… Le prince dans cette affaire…
— Fait un coup de soixante-quinze mille roubles, n’est-ce pas ? interrompit brusquement Nastasia Philippovna : — c’est