elle se trémoussait comme dans un accès d’hystérie, riant d’un rire nerveux et convulsif, surtout lorsque Totzky inquiet lui faisait quelque observation. Ses yeux sombres luisaient pareils à des charbons ardents, deux taches rouges se montraient sur ses joues pâles. Peut-être son caprice s’exaspérait-il encore devant les physionomies refrognées et chagrines de plusieurs des invités ; peut-être cette idée l’avait-elle séduite précisément par son brutal cynisme. Quelques-uns même étaient persuadés qu’il y avait là-dessous une arrière-pensée, un calcul. Du reste, chacun donna son consentement : en tout cas, c’était curieux, et, pour certains, fort attrayant. Ferdychtchenko surtout se distinguait par son animation.
— Mais si c’est une chose impossible à raconter… devant les dames, observa timidement le jeune homme silencieux.
— Eh bien, vous en raconterez une autre ; est-ce que ce sont les vilenies qui manquent ? répondit Ferdychtchenko ; — eh ! que vous êtes jeune !
— Mais voilà, je ne sais laquelle de mes actions je dois considérer comme la plus mauvaise, fit à son tour l’actrice.
— Les dames ne sont pas tenues de se confesser, mais si on les en dispense, on ne le leur défend pas : celles qui voudront le faire auront droit à notre reconnaissance. Les hommes eux-mêmes sont libres de ne rien raconter, si cela leur est trop désagréable.
— Mais comment ici prouver que je ne mens pas ? demanda Gania : — or, si je mens, le jeu perd tout son sel. Et qui donc ne mentira pas ? Personne, à coup sûr, ne dira la vérité.
— Mais c’est déjà amusant de voir comment les gens mentent. D’ailleurs toi, Ganetchka, tu peux être tranquille à cet égard, vu que ta plus vilaine action, tout le monde la connaît, sans que tu aies besoin de la dire. Mais pensez seulement à ceci, messieurs, s’écria tout à coup Ferdychtchenko dans un transport d’enthousiasme : — de quel œil nous regarderons-nous les uns les autres après ces récits, demain, par exemple ?