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— Tu as perdu, Ganka ! cria-t-il en sortant.

Gabriel Ardalionovitch l’accompagna d’un regard inquiet jusqu’au moment où il eut disparu.

XI

Le prince quitta le salon et se retira dans sa chambre, où Kolia vint aussitôt le consoler. Le pauvre garçon ne semblait plus pouvoir à présent se séparer de Muichkine.

— Vous avez bien fait de vous en aller, dit-il, — le vacarme va recommencer là de plus belle. Voilà notre existence de chaque jour, et c’est à cause de cette Nastasia Philippovna que tout cela arrive.

— Il y a bien des souffrances chez vous, Kolia, observa le prince.

— Oui, il y en a beaucoup. De nous ce n’est pas la peine de parler. Nous pâtissons par notre faute. Mais, tenez, j’ai un grand ami, celui-là est encore plus malheureux. Voulez-vous que je vous fasse faire sa connaissance ?

— Très-volontiers. C’est un de vos camarades ?

— Oui, c’est presque un camarade. Je vous expliquerai tout cela plus tard… Mais comment trouvez-vous Nastasia Philippovna ? N’est-ce pas qu’elle est belle ? Je ne l’avais encore jamais vue, et pourtant ce n’était pas l’envie qui me manquait. Elle m’a positivement ébloui. Je pardonnerais tout à Ganka, s’il l’épousait par amour, mais pourquoi reçoit-il de l’argent ? voilà le malheur !

— Oui, votre frère ne me plaît pas beaucoup.

— Cela ne m’étonne pas ! Après ce que vous… Mais, vous savez, je ne puis souffrir ces manières de voir. Parce qu’un fou, un imbécile ou un scélérat sous l’apparence d’un fou a donné un soufflet à quelqu’un, voilà cet homme déshonoré