— Moi aussi, à votre place, je dirais bien des choses, répondit-il à Ferdychtchenko ; — tantôt votre portrait m’a beaucoup frappé, ajouta-t-il en s’adressant à Nastasia Philippovna ; — ensuite j’ai causé de vous avec les Épantchine… et déjà ce matin, avant d’arriver à Pétersbourg, je m’étais trouvé dans le train avec Parfène Rogojine, qui m’avait longuement parlé de vous… Au moment même où je vous ai ouvert la porte, je pensais à vous, et tout d’un coup vous m’êtes apparue.
— Mais comment donc avez-vous su que c’était moi ?
— Parce que je connaissais votre portrait et…
— Et quoi encore ?
— Et parce que vous répondez de tout point à l’idée que je m’étais faite de vous… Il me semble aussi vous avoir vue quelque part.
— Où ? où ?
— Je dois avoir déjà vu vos yeux quelque part… mais c’est impossible !… J’ai dit cela sans y faire attention… Je n’ai même jamais habité à Pétersbourg… Peut-être en songe…
— Ah çà ! prince ! cria Ferdychtchenko. — Non je retire mon mot : se non è vero… Du reste… du reste, il dit tout cela sans y entendre malice ! ajouta-t-il avec compassion.
Le prince avait proféré ces quelques phrases d’une voix inquiète, entrecoupée, comme quelqu’un à qui le souffle manque. Tout en lui dénotait une agitation extraordinaire. Nastasia Philippovna le considérait avec curiosité, mais elle ne riait plus…
Soudain, derrière le cercle qui s’était formé autour du prince et de la jeune femme, se fit entendre une voix sonore ; le groupe s’entr’ouvrit pour laisser passer le père de famille lui-même, le général Ivolguine. Il était en frac, et sur sa poitrine s’étalait un plastron d’une propreté irréprochable ; ses moustaches étaient teintes.
L’apparition d’Ardalion Alexandrovitch porta un coup terrible à Gania.
Ce vaniteux jeune homme, dont l’amour-propre souffrant