— Le fils de mon ami ! cria-t-il en s’adressant à Nina Alexandrovna ; — et cette rencontre est si inattendue ! Depuis longtemps j’avais même cessé de croire la chose possible. Mais, ma chère, se peut-il que tu ne te souviennes pas de feu Nicolas Lvovitch ? Tu l’as encore trouvé… à Tver ?
— Je ne me souviens pas de Nicolas Lvovitch. C’est votre père ? demanda-t-elle au prince.
— Oui, mais, à ce qu’il paraît, il est mort à Élisabethgrad et non à Tver, observa timidement le prince. — Je le tiens de Pavlichtcheff…
— À Tver, soutint le général ; — il a été transféré dans cette ville peu de temps avant sa mort, et même sa maladie ne faisait alors que commencer. Le voyage n’a pas pu laisser de traces dans votre mémoire ; vous étiez encore si petit quand il a eu lieu ! Pavlichtcheff a pu se tromper, quoique ce fût un homme du plus grand mérite.
— Vous avez aussi connu Pavlichtcheff ?
— C’était un homme rare, mais mon attestation est celle d’un témoin oculaire. J’ai béni sur son lit de mort…
— Mon père allait passer en jugement quand il est mort, reprit le prince, — quoique je n’aie jamais pu savoir de quoi il était accusé ; il est décédé à l’hôpital.
— Oh ! c’était pour l’affaire du soldat Kolpakoff, et, sans doute, le prince aurait été acquitté.
— Oui ? Vous savez positivement cela ? demanda le prince, dont la curiosité avait été vivement excitée par les dernières paroles du général.
— Je crois bien ! s’écria celui-ci. — Le conseil de guerre s’est dissous sans avoir rien décidé. C’est une affaire impossible, une affaire mystérieuse même, on peut le dire ! Le capitaine en second Larionoff, commandant de la compagnie, vient à mourir ; l’emploi du défunt est momentanément confié au prince ; bien. Le soldat Kolpakoff commet un larcin au préjudice d’un de ses camarades, il vole du cuir pour le vendre et boire ensuite l’argent ; bien. Le prince, — notez que cela a eu lieu en présence d’un sergent-major