— Non.
— Et vous ne l’avez pas entendu ?
— Pas davantage.
— Eh bien, vous le verrez et vous l’entendrez : même à moi il demande de l’argent à prêter ! Avis au lecteur ! Adieu. Est-ce qu’on peut vivre quand on s’appelle Ferdychtchenko ?
— Pourquoi pas ?
— Adieu.
Et il se dirigea vers la porte. Le prince sut plus tard que ce monsieur considérait en quelque sorte comme un devoir pour lui d’étonner tout le monde par son originalité et son enjouement ; malheureusement il n’y réussissait jamais. Sur certains il produisait même une impression désagréable, ce qui le désolait sincèrement, sans toutefois lui faire abandonner sa tâche. Au moment où il allait sortir, le hasard lui procura une petite revanche. Près de la porte il heurta un monsieur qui entrait et que le prince ne connaissait pas : Ferdychtchenko se rangea pour laisser passer le nouveau venu, et, tandis que ce dernier pénétrait dans la chambre, il cligna les yeux derrière lui à plusieurs reprises en manière d’avertissement ; après quoi il se retira satisfait.
Le nouvel arrivant était un homme de haute taille et de belle corpulence qui paraissait avoir cinquante-cinq ans au moins. Ses yeux étaient grands et un peu à fleur de tête ; d’épais favoris blancs encadraient son visage charnu, flasque et d’un rouge vif ; il avait aussi des moustaches. Sans un je ne sais quoi de fatigué, de flétri, d’avachi même qui se remarquait dans toute sa personne, l’extérieur de ce monsieur aurait été assez imposant. Il portait une vieille redingote plus ou moins trouée aux coudes et son linge était loin d’être propre. En s’approchant de lui, on pouvait s’apercevoir qu’il sentait l’eau-de-vie, mais ses manières, d’une distinction un peu étudiée, trahissaient l’innocent désir de frapper par un grand air de dignité. Lentement, le sourire aux lèvres, ce visiteur s’avança vers le prince, lui prit la