il continua à observer le prince en clignant les yeux. À la fin, il ferma la porte derrière lui, s’approcha, prit une chaise, et, saisissant avec force le bras du prince, obligea ce dernier à s’asseoir sur le divan,
— Ferdychtchenko, fit-il, tandis qu’il attachait sur Muichkine un regard sondeur.
— Eh bien, quoi ? demanda le prince presque gaiement.
— Un locataire, reprit Ferdychtchenko, les yeux toujours fixés sur le nouvel hôte des Ivolguine.
— Vous voulez faire connaissance avec moi ?
— E-eh ! — proféra le visiteur en ébouriffant ses cheveux et en soupirant, après quoi il se mit à regarder dans le coin opposé. — Vous avez de l’argent ? ajouta-t-il soudain.
— Un peu.
— Combien au juste ?
— Vingt-cinq roubles.
— Montrez.
Le prince prit son billet de vingt-cinq roubles dans la poche de son gilet et le passa à Ferdychtchenko. Celui-ci le déplia, l’examina, le retourna dans l’autre sens et ensuite l’exposa au jour.
— C’est assez étrange, remarqua-t-il d’un air songeur : — je me demande pourquoi ils brunissent. Il y a de ces billets de vingt-cinq roubles qui deviennent très-foncés tandis que d’autres, au contraire, se décolorent complètement. Tenez.
Le prince reprit son billet. Ferdychtchenko se leva.
— Je suis venu d’abord pour vous avertir de ne point me prêter d’argent, parce que je ne manquerai pas de vous en demander.
— Bien.
— Vous avez l’intention de payer ici ?
— Oui.
— Moi pas ; merci. Je demeure ici près de chez vous, ma porte est la première à droite, vous l’avez vue ? Tâchez de ne pas venir chez moi trop souvent ; je viendrai chez vous, soyez tranquille. Vous avez vu le général ?