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savait causer avec esprit et agrément, mais d’ordinaire il parlait peu. En général, l’impression qu’il produisait lui était favorable. Il éprouvait évidemment autre chose que de l’indifférence pour Barbara Ardalionovna, et il ne faisait pas mystère de ses sentiments. La jeune fille, de son côté, le traitait en ami, sans toutefois répondre encore à certaines questions qu’il lui avait posées et dont elle s’était même montrée mécontente. Cela, du reste, n’avait nullement découragé Ptitzine. Nina Alexandrovna l’accueillait avec beaucoup d’amabilité et, depuis quelque temps, lui témoignait une grande confiance. On savait, d’ailleurs, qu’il exerçait la profession de prêteur sur gages. Il était fort lié avec Gania.

Ce dernier souhaita un bonjour très-sec à sa mère, ne dit pas une parole à sa sœur, et se hâta d’emmener Ptitzine hors du salon. Avant de se retirer, Gania présenta le prince en quelques mots saccadés, mais suffisamment explicites. Nina Alexandrovna fit un aimable accueil à Muichkine, et, apercevant Kolia qui venait d’entre-bâiller la porte, elle lui ordonna de conduire le locataire à la chambre du milieu. Kolia était un jeune garçon au visage souriant et assez joli ; ses manières franches et naïves respiraient la confiance.

— Où est donc votre bagage ? demanda-t-il en introduisant le prince dans la chambre.

— J’ai un petit paquet ; je l’ai laissé dans l’antichambre.

— Je vais vous le chercher. Nous n’avons, en fait de domestiques, que la cuisinière et Matréna, de sorte que je m’occupe aussi du service. Varia nous surveille tous et gronde. Vous êtes arrivé de Suisse aujourd’hui, à ce que dit Gania ?

— Oui.

— C’est beau, la Suisse ?

— Fort beau.

— Il y a des montagnes ?

— Oui.

— Je vous apporte à l’instant vos paquets.

Entra Barbara Ardalionovna.