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— Je ne puis me prononcer dès maintenant ; je remets cela à plus tard.

— Pourquoi ? Vous la trouvez remarquable ?

— Oh ! oui, remarquable ; vous êtes une beauté extraordinaire, Aglaé Ivanovna. Vous êtes si belle qu’on a peur de vous regarder.

— Et c’est tout ? Mais le caractère ? insista la générale.

— Il est difficile de juger la beauté. Je ne suis pas encore en mesure de le faire. La beauté est une énigme.

— C’est-à-dire que vous proposez une énigme à Aglaé, dit Adélaïde, — devine, Aglaé. Mais est-elle belle, prince ?

— Extraordinairement ! répondit-il en considérant d’un œil ravi celle dont il parlait ; — presque comme Nastasia Philippovna, quoique le visage soit tout différent…

Étonnement des dames Épantchine, qui se regardèrent les unes les autres.

— Comme qui ? fit d’une voix traînante la générale : — comme Nastasia Philippovna ? Quelle Nastasia Philippovna ?

— Tantôt Gabriel Ardalionovitch a montré son portrait à Ivan Fédorovitch.

— Comment ? il a apporté ce portrait à Ivan Fédorovitch ?

— Pour le lui faire voir. Nastasia Philippovna a donné aujourd’hui son portrait à Gabriel Ardalionovitch et celui-ci est venu le montrer.

— Je veux le voir ! reprit vivement Élisabeth Prokofievna : — où est ce portrait ? Si elle le lui a donné, il doit l’avoir et sans doute il est encore dans le cabinet du général. Il vient toujours travailler le mercredi et jamais il ne s’en va avant quatre heures. Qu’on fasse venir tout de suite Gabriel Ardalionovitch ! Non, je ne tiens pas tant que cela à le voir. Ayez la bonté, cher prince, d’aller lui demander ce portrait et de l’apporter ici. Dites qu’on veut le voir. Faites-moi ce plaisir.

— Il est bien, mais trop naïf, observa Adélaïde, lorsque le prince fut sorti de la chambre.