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Il lui raconta comment il avait connu sa maman, et s’aperçut qu’elle s’intéressait à son récit. Peu à peu l’enfant commença à répondre à ses questions, mais de mauvais gré, par monosyllabes, d’un air soupçonneux. Aux questions les plus importantes elle ne répondait rien ; elle gardait un silence obstiné sur tout ce qui avait trait à ses relations avec son père.

Tout en lui parlant, Veltchaninov lui prit la main, comme tantôt, et la garda dans les siennes, et elle ne la retira pas. L’enfant ne se tut pas jusqu’au bout ; elle finit par lui répondre, en termes confus, qu’elle avait aimé son père plus que sa mère, parce que jadis il l’aimait beaucoup et que sa mère l’aimait moins ; mais que maman, au moment de mourir, l’avait embrassée très fort, et avait beaucoup pleuré, quand tout le monde avait eu quitté la chambre et qu’elles étaient restées seules toutes les deux… et que maintenant elle aimait sa mère plus que tout le monde, et l’aimait chaque jour davantage.

Mais l’enfant était très fière : lorsqu’elle s’aperçut qu’elle s’était laissée aller à parler, elle se referma et se tut ; maintenant c’est avec une expression de haine qu’elle regardait Veltchaninov, qui l’avait amenée à lui en dire tant.