elle n’en faisait que le cas qu’il fallait, recevant tous les hommages comme choses dues ; elle s’entendait parfaitement à recevoir, et elle avait si bien dressé Pavel Pavlovitch qu’il égalait en distinction de manières les sommités du gouvernement. « Peut-être bien, pensait Veltchaninov, qu’il avait de l’esprit ; mais comme Natalia Vassilievna n’aimait guère qu’il parlât beaucoup, il n’avait guère l’occasion de le montrer. Peut-être bien qu’il avait, de naissance, des qualités et des défauts ; mais ces qualités étaient sous le boisseau, et ses défauts étaient à peu près étouffés sitôt qu’ils perçaient. » Par exemple, Veltchaninov se souvenait que Trousotsky était naturellement porté à railler le voisin : il se le voyait interdire formellement. Il aimait parfois à conter quelque histoire : il ne lui était permis de conter que des choses très insignifiantes et très brièvement. Il aimait à sortir, à aller au cercle, à boire avec des amis ; l’envie de le faire lui fut bien vite ôtée. Et le merveilleux, c’est qu’avec tout cela on ne pouvait pas dire que ce mari fût sous la pantoufle de sa femme. Natalia Vassilievna avait toutes les apparences de la femme parfaitement obéissante, et peut-être elle-même était-elle convaincue de son obéissance. Peut-être Pavel
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