Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée

don de captiver, d’asservir et de dominer !

Pourtant il lui semblait bien qu’elle n’avait pas ce qu’il faut pour captiver et asservir : « Voyons ! elle était loin d’être belle ; je ne sais même pas si elle n’était pas tout simplement laide. » Quand Veltchaninov la rencontra, elle avait déjà vingt-huit ans. Sa figure n’était pas jolie, elle s’animait parfois agréablement, mais ses yeux étaient vraiment laids ; elle avait le regard excessivement dur. Elle était très maigre. Son instruction était très médiocre ; elle avait l’esprit assez ferme et pénétrant, mais étroit. Ses manières étaient celles d’une mondaine de province ; avec cela, il faut le dire, beaucoup de tact ; elle avait le goût excellent ; surtout, elle s’habillait dans la perfection. Son caractère était décidé et dominateur ; impossible de s’entendre avec elle à moitié : « tout ou rien ». Elle avait, dans les affaires difficiles, une fermeté et une énergie surprenantes. Elle avait l’âme généreuse, et en même temps elle était injuste sans limites. Il n’était pas possible de discuter avec elle : pour elle, deux fois deux ne signifiait rien. Jamais, en aucun cas, elle n’eût reconnu son injustice ou ses torts. Les infidélités sans nombre qu’elle faisait à son mari ne lui pesèrent jamais sur