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qu’il avait naguère eu contre elle d’antipathie venait de s’effacer, et qu’il pouvait, à cette heure, la juger sans parti pris. L’opinion qu’il s’était faite d’elle, au cours des neuf années de séparation, c’est que Natalia Vassilievna était le type de la provinciale, de la femme de la » bonne société » de province, et que peut-être il était le seul qui se fût monté la tête sur son compte. Au reste, il s’était toujours douté que cette opinion pouvait être erronée, et il le sentait à présent. Les faits se contredisaient évidemment : ce Bagaoutov avait été, lui aussi, durant plusieurs années, lié avec elle, et il était clair que, lui aussi, il avait été « subjugué ». Bagaoutov était véritablement un jeune homme du meilleur monde de Pétersbourg, « un être nul comme pas un », disait Veltchaninov, et qui ne pouvait évidemment faire son chemin qu’à Pétersbourg. Et cet homme avait sacrifié Pétersbourg, c’est-à-dire tout son avenir, et était resté cinq ans à T…, uniquement pour cette femme ! Il avait fini par revenir à Pétersbourg, mais il était bien possible que ce fût uniquement parce qu’on l’avait envoyé promener, « comme une vieille savate usée ». Il fallait donc bien qu’il y eût dans cette femme quelque chose d’extraordinaire, le