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malade, il ne peut plus recevoir. Figurez-vous qu’en effet j’ai appris, de très bonne source, qu’il est vraiment très malade. Voilà un ami ! Un ami de cinq ans ! Ah ! Alexis Ivanovitch, je vous l’ai dit et je vous le répète : il y a des moments où l’on voudrait être sous terre, et à d’autres moments, au contraire, je voudrais retrouver quelqu’un de ceux qui ont vu et vécu notre temps passé, pour pleurer avec lui, oui, uniquement pour pleurer !…

— Voyons, en voilà assez pour aujourd’hui, n’est-ce pas ? fit sèchement Veltchaninov.

— Oh oui ! plus qu’assez ! fit Pavel Pavlovitch en se levant aussitôt. Mon Dieu, il est quatre heures. Comme je vous ai égoïstement dérangé !

— Écoutez, j’irai vous voir à mon tour et j’espère… Voyons ! dites-moi bien franchement… N’êtes-vous pas ivre aujourd’hui ?

— Ivre ? mais pas le moins du monde…

— Vous n’avez pas bu en venant, ou avant ?

— Vous savez, Alexis Ivanovitch, vous avez tout à fait la fièvre.

— Demain, j’irai vous voir avant une heure.

— Oui, interrompit avec insistance Pavel Pavlovitch — oui, vous parlez comme dans le délire. Je l’ai remarqué depuis un moment.