Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/283

Cette page n’a pas encore été corrigée

par l’inquiétante stature de Veltchaninov, se laissa emmener par ses camarades. L’allure imposante de ce monsieur si bien mis fit son effet sur les rieurs : les rires cessèrent. La dame, toute rougissante, les larmes aux yeux, lui exprima avec effusion sa reconnaissance. Le uhlan bégaya : « Merci ! merci ! » et voulut tendre la main à Veltchaninov, mais changea d’idée, se coucha sur deux chaises, et allongea les pieds vers lui.

— Mitinka ! gémit la dame, avec un geste d’horreur. Veltchaninov était fort satisfait de l’aventure et de son issue. La dame l’intéressait ; c’était évidemment une provinciale aisée, mise sans goût, mais avec coquetterie, de manières un peu ridicules, — tout ce qu’il faut pour donner bon espoir à un fat de la capitale qui a des vues sur une femme. — Ils causèrent : la dame lui raconta l’histoire avec feu, se plaignit de son mari « qui avait tout à coup disparu, et qui était la cause de tout… Il disparaissait toujours au moment où l’on avait besoin de lui… ».

— Il est allé… bégaya le uhlan.

— Oh ! voyons ! Mitinka ! interrompit-elle toute suppliante.

— Bon ! gare au mari ! songea Veltchaninov.