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parlé Maria Sysoevna. Cette hallucination de la veille était devenue peu à peu pour lui une certitude absurde, mais indéracinable. — « Et pourquoi diable cet imbécile s’est-il pendu ? » se demandait-il à tout instant. Il se rappelait les paroles de Lisa… « Au reste, à sa place, moi aussi, je me serais pendu… », songea-t-il une fois.

Enfin il ne put plus y tenir : au lieu d’aller dîner, il se dirigea vers la maison de Pavel Pavlovitch. — « Je me contenterai de demander à Maria Sysoevna », se dit-il. Mais à peine fut-il sous la porte cochère, qu’il s’arrêta.

— Voyons, voyons ! s’écria-t-il, confus et furieux. J’irais me traîner jusque-là pour « nous embrasser et pleurer ensemble » ! Je descendrais à ce degré de honte, à cette bassesse insensée !

Il fut sauvé de « cette bassesse insensée » par la Providence, qui veille sur les hommes comme il faut. À peine fut-il dans la rue qu’il se heurta à Alexandre Lobov. Le jeune homme était hors d’haleine, très agité.

— Ah ! Je venais précisément chez vous ! Eh bien ! et notre ami Pavel Pavlovitch !…

— Il s’est pendu ! murmura Veltchaninov d’un air égaré.