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rant de la nuit. Il rentra chez lui dès le crépuscule, et sa chambre le terrifia presque, lorsqu’il y pénétra. Il se sentait agité et oppressé. Il parcourut plusieurs fois son appartement ; même il alla jusque dans sa cuisine, où jamais il n’entrait. « C’est ici qu’hier ils ont fait chauffer les assiettes », songeait-il. Il ferma la porte au verrou, et, plus tôt que d’habitude, il alluma les bougies. Cependant, il se rappela que tout à l’heure, en passant devant la loge, il avait appelé Mavra et lui avait demandé : « Pavel Pavlovitch n’est-il pas venu en mon absence ? » comme si, en effet, il pouvait être venu.

Une fois qu’il se fut enfermé soigneusement, il prit dans son bureau la boîte à rasoirs et ouvrit le rasoir « d’hier » pour l’examiner. Sur le manche d’ivoire blanc il y avait encore quelques gouttes de sang. Il remit le rasoir dans la boîte, et la replaça dans le bureau. Il désirait dormir : il fallait absolument qu’il se couchât tout de suite ; autrement, « demain il ne serait bon à rien ». Ce lendemain lui apparaissait comme un jour destiné à être en quelque sorte fatal et « définitif ». Mais les mêmes pensées qui, durant toute la journée, tandis qu’il courait par les rues, ne l’avaient pas quitté un seul instant, envahirent tumultueusement sa tête