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il fut repris d’une envie irrésistible de tout raconter ; une fois, même, ce fut en présence d’un homme qui lui était tout à fait inconnu, et auquel il adressa le premier la parole dans une pâtisserie, — lui qui, jusqu’à ce jour, n’avait jamais pu supporter de causer avec des inconnus dans des endroits publics.

Il entra dans une boutique, acheta un journal, alla chez son tailleur et commanda des vêtements. L’idée d’aller rendre visite aux Pogoreltsev continuait à ne lui donner aucun plaisir ; il ne songeait guère à eux, et, d’ailleurs, il n’était pas possible qu’il allât à leur maison de campagne : il fallait qu’il attendît ici, à la ville, il ne savait quoi.

Il dîna de bon appétit, causa avec le garçon et avec son voisin de table, et vida une demi-bouteille de vin. Il ne songeait même pas qu’un retour de la crise de la veille fût possible ; il était convaincu que son mal avait complètement passé au moment même où, en dépit de son état de faiblesse, il avait, après une heure et demie de sommeil, sauté à bas de son lit, et si vigoureusement jeté à terre son assassin.

Vers le soir pourtant, la tête commença à lui tourner, et, par moments, il sentait monter quelque chose qui ressemblait à son rêve déli-