Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

véritable maladie, et qu’il faut, en ce cas, agir sans retard : le mieux, c’est de modifier radicalement son genre de vie, de changer de régime, ou même de voyager ; une purge, sans aucun doute, ferait bon effet.

Veltchaninov ne voulut pas en entendre davantage ; son affaire était parfaitement claire : il était malade. « C’est donc tout ce qu’il y avait dans cette obsession que j’attribuais à quelque chose de supérieur : une maladie, et rien de plus ! » s’écriait-il avec amertume. Il ne se résignait pas à se l’avouer.

Bientôt, ce qu’il n’avait encore ressenti que la nuit se produisit également le jour, mais avec une acuité plus pénétrante ; et maintenant il y prenait une joie malicieuse et sarcastique, au lieu de l’attendrissement plein de regrets qu’il en ressentait jadis. Il voyait surgir dans sa mémoire, de plus en plus fréquemment, « soudainement et Dieu sait pourquoi », certains événements de sa vie antérieure, des époques anciennes de sa vie, et ces événements se présentaient à lui d’une manière étrange. Depuis longtemps il se plaignait d’avoir perdu la mémoire : il avait oublié les visages de gens qu’il avait fort bien connus, et qui, lorsqu’ils le rencontraient,