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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

ments je les admets, dit Kopeïkine libéral, à condition qu’il ne me coûtent pas d’efforts. J’aime les changements ; cela cause de petits désordres qui nous permettent de nous enrichir. » Mais laissons là les Kopeïkines. Passons aux finances, aux finances !


III


GUÉRISSONS LES RACINES


Selon mon habitude, je commence par la fin, mais j’arriverai ainsi à vous dire plus tôt toute ma pensée. Jamais je n’ai pu manœuvrer tout doucement, approcher à petit pas et ne présenter mon idée, qu’après des préparations savantes. J’ai peut-être tort, car certaines conclusions trop vite données, sans preuves préventives, peuvent parfois étonner, embarrasser, et même paraître comiques. J’ai donc peur que le lecteur ne soit choqué ou ne se mette à rire quand je vais lui asséner l’axiome que voici :

« Pour obtenir de bonnes finances dans un pays qui a passé par quelques secousses, il ne fut pas trop songer au mal présent et évident, mais bien aller aux racines du mal, même si le procédé est beaucoup plus long. »

J’entends d’ici les railleries : « Pas fort, votre axiome ! Personne n’ignore qu’un arbre dont les racines sont pourries ne donnera jamais de fruits. »

Permettez-moi de vous dire toute mon idée. Je sais bien que même si j’écris un volume entier pour l’expliquer, elle ne sera jamais complètement claire. Pourtant je veux essayer de me faire comprendre.

Il est certain que tout le monde sait qu’avant tout il faut guérir les racines. Tous les ministres des finances y ont pensé, le ministre actuel comme les autres. Il a déjà attaqué le mal aux racines de l’arbre en abolissant l’im-