Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/611

Cette page a été validée par deux contributeurs.
607
JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN
JANVIER


_____


I


LES FINANCES


Est-il vrai, mon Dieu, qu’après trois ans de silence, je vais recommencer mon Carnet avec un article économique ! Suis-je donc un financier si expert ? Jamais je ne me suis piqué de l’être. Cette maladie de l’économie politique m’avait toujours laissé indemne, et voici que je suis atteint comme les autres.

Maintenant, tout le monde est économiste, c’est dans l’air. Et comment ne pas être économiste à l’heure qu’il est ? Voici que le rouble baisse. C’est le déficit !

La maladie économique a pris chez nous, une inquiétante recrudescence depuis la guerre de Turquie. Presque tous les Russes en ont souffert plus ou moins. Dame ! le rouble baissait, la guerre nous avait criblés de dettes. Et puis, il faut bien le dire, il y a eu là une petite vengeance de ceux qui étaient opposés à l’expédition : « Ah ! nous vous l’avions bien dit ! Nous vous l’avions prédit ! » Se sont surtout jetés dans l’économie politique ceux qui, en 76 et en 77, proclamaient que l’argent valait mieux que l’héroïsme, que la question d’Orient était une sottise et un mythe, que non seulement la guerre n’était ni nationale ni populaire, mais encore que le peuple n’existait qu’à l’état de masse inerte, muette, sourde et imbécile, faite pour payer des impôts et travailler pour les gens intelligents. Si ces gens là avaient donné des sous dans les églises, c’était sur l’ordre des prêtres et des