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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

sera dite uniquement pour consacrer enfin la fraternité de tous les hommes. J’en vois une preuve dans le génie de Pouschkine. Que notre terre soit pauvre, c’est possible, mais, « le Christ en humble appareil y a passé en la bénissant ». Le Christ n’est-il pas né dans une crèche ? Et notre gloire c’est de pouvoir affirmer que l’âme de Pouschkine a communié avec l’âme de tous les hommes. Si Pouschkine avait vécu plus longtemps, peut-être aurait-il rendu évident pour l’Europe tout ce que nous venons d’essayer d’indiquer ; il aurait expliqué nos tendances à nos frères européens, qui nous considéreraient avec moins de méfiance. Si Pouschkine n’était pas mort prématurément, il n’y aurait plus de querelles et de malentendus entre nous. Dieu en a décidé autrement, et Pouschkine est mort dans tout l’épanouissement de son talent et il a emporté dans sa tombe la solution d’un grand problème. Tout ce que nous pouvons faire, c’est tenter de le résoudre.