Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/591

Cette page a été validée par deux contributeurs.
587
JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN
AOÛT


____


I


UN MOT D’EXPLICATION AU SUJET DU DISCOURS SUR POUSCHKINE PUBLIÉ PLUS LOIN


Mon discours sur Pouschkine, prononcé cette année, le 8 juin, devant la société des Amis de la Littérature russe, a produit une grande impression. Ivan Serguieïvitch Aksakov, qui a dit de lui-même, qu’on le regardait comme le représentant des Slavophile, a déclaré que ce discours était « un événement ». Ce n’est pas pour me louer moi-même que je rappelle cela, mais bien pour affirmer que si mon discours est un événement, il ne peut l’être qu’à un seul et unique point de vue, que j’indiquerai plus loin.

Mais voici ce que j’ai voulu faire ressortir dans ce discours sur Pouschkine.

1o  Que Pouschkine, le premier, esprit profondément perspicace et génial, a su expliquer ce phénomène bien russe de notre société intelligente « déraciné » de la glèbe natale, et se séparant nettement du peuple. Il a campé devant nous, avec un relief intense, notre type d’homme agité, sceptique, sans foi dans le sol de sa patrie, négateur de la Russie et de soi-même, et souffrant de son isolement.

Aleko et Oniéguine ont engendré une foule de types pareils dans notre littérature. Après eux, sont venus les Petchorine, les Tchitchikoff, les Roudine, les Lavretzky, les Bolkonsky (dans la Guerre et la Paix du comte Tolstoï) et plusieurs autres qui ont témoigné de la puis-