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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

russe enlèveront à ces audiences ce qu’elles ont de trop mensongèrement théâtral. Alors tout sera vrai et sincère. Il n’y faut pas compter pour l’instant. Défenseurs et accusateurs continueront encore longtemps à se faire remarquer par leurs détestables manies. Les uns cherchent l’argent ; les autres une carrière brillante. Mais un jour, peut-être, le procureur aura le droit de défendre l’accusé, si bien que, si la défense proteste contre ce que l’on aura dû laisser subsister de l’accusation, les jurés ne le croiront plus, tout simplement. Je crois que cette nouvelle méthode mènera plus vite à la vérité que l’ancien système, qui consiste à outrer l’accusation et la défense.

Peut-être tout finira-t-il par apparaître dans ses proportions exactes. On n’ira plus au tribunal comme au théâtre, mais pour y chercher une leçon de morale. Ah ! les avocats auront de moins beaux honoraires !

Mais cette utopie ne deviendra une réalité que quand nous aurons des ailes, quand nous seront des anges.

Trop tard ! Il n’y aura plus de tribunaux !