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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

OCTOBRE




I

LE SUICIDE DE HARTUNG ET NOTRE ÉTERNELLE QUESTION :
À QUI LA FAUTE ?


Tous les journaux russes ont parlé du suicide du général Hartung ; à Moscou, pendant une séance de la cour d’assises, un quart d’heure après le prononcé du verdict qui le condamnait. Je pense donc que tous les lecteurs du Carnet connaissent cet événement tragique et que je n’ai pas à en rappeler les détails.

Vous vous souvenez que ce haut gradé s’était lié avec un tailleur, puis avec un usurier, du nom de Zanftleben. Ce n’était pas uniquement parce qu’il avait besoin d’emprunter de l’argent à ce dernier, puisqu’il consentit amicalement à être désigné sur le testament de Zanftleben comme exécuteur testamentaire.

À la mort de Zanftleben le livre de billets à ordre disparaît ; quant à ces mêmes billets à ordre et autres papiers d’affaire, ils sont, aux mépris de tous les usages légaux emportés par Hartung à son domicile. Puis il entre, sans peut-être bien s’en douter, dans une machination destinée à avantager une portion des héritiers aux dépens de l’autre. Il semble que ce ne soit que plus tard que l’infortuné exécuteur testamentaire ait pu se rendre compte du genre de guêpier où il s’était fourré. Bientôt on l’accuse de vol, de faux, de soustraction de documents ; on parle de deux cent mille roubles disparus.

Le procès arrive, et le procureur paraît ravi de voir le