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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

jamais peuple. Lui, est gentilhomme terrien ; il travaille parfois et, en tous cas, connaît tous les travaux du moujik ; il saura même atteler un chariot. Mais qui qu’il fasse, il demeurera toujours en lui une trace de ce que je pourrais, je crois, appeler le parasitisme, ce parasitisme que le paysan voit si bien chez le seigneur, avec des yeux qui ne sont pas les nôtre.

Sa foi, il la détruira de nouveau de lui-même ; elle ne durera, sans doute, pas longtemps. En effet Kitty bronche en marchant et se blesse en faisant son faux pas ; si elle a fait un faux pas, c’est qu’elle ne pouvait ne pas faire un faux pas ; on ne voit que trop bien comment et pourquoi elle a fait un faux pas. Il y a une loi scientifique. Donc partout et toujours la science. Où est la Providence dans tout cela ? S’il n’y a pas de Providence, comment pourrai-je croire en Dieu ? etc., etc. Cette âme honnête est follement chaotique, autrement elle ne serait pas celle d’un intellectuel russe moderne, d’un seigneur civilisé, d’un noble entre «  moyenne  » et «  haute  » noblesse.

Bientôt après avoir acquis la foi ; il prouve que le peuple ne sent aucunement ce que les autres hommes peuvent sentir : il nie l’âme chez le peuple, et c’est peu encore : il déclare qu’il n’éprouve aucune pitié pour la souffrance humaine en affirmant que personne ne peut s’émouvoir à l’idée de l’oppression qui accable les Slaves d’Orient : Moi-même je suis du peuple, dit-il. Il vous évalue le peuple russe. Une heure après avoir acquis la foi il remet des framboise à cuire au-dessus de la flamme d’une bougie.

VIII (b)

L’IRRITABILITÉ DE L’AMOUR-PROPRE


Les enfants accourent et annoncent à Lévine que les invités sont arrivés… « Il y en a un qui gesticule comme