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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

tous les volontaires sont des gens sans aveu, des ivrognes ou simplement des imbéciles ; 4o  que les prétextes du mouvement ont été créés de toutes pièces, contre toute vraisemblance, et 5o  enfin, que tous les actes de barbarie dont ont souffert les Slave ne peuvent vraiment inspirer tant de pitié aux Russes ; que notre pays se moque complètement des Slaves opprimés. Lévine dit tout cela très catégoriquement.

Ainsi, ce « Lévine au cœur pur » se sépare, s’isole de la grande majorité des Russes. Son opinion n’est, d’ailleurs, ni neuve ni originale. Elle serait du goût de beaucoup des nôtres qui tenaient un langage semblable l’hiver passé, à Pétersbourg, et qui n’étaient pourtant pas les premiers venus. Je ne puis comprendre par suite de quelle déviation d’idées Lévine en vient à s’isoler ainsi de l’opinion générale. C’est, il est vrai, un homme ardent, « inquiet », qui abuse de l’analyse et qui n’a aucune confiance en lui-même. Comment des sentiments aussi naturels, aussi artificiels, aussi monstrueux peuvent-ils pénétrer dans un cœur aussi « pur » ? Et je ferai encore remarquer que l’auteur se sert très souvent de Lévine pour exprimer ses propres opinions, mais qu’ici je ne veux pas établir de confusion et prêter à l’auteur tout ce que dit Lévine, Ce dernier n’est après tout, qu’un type imaginé par un écrivain, mais j’aurais attendu autre chose d’un tel écrivain.

VI

LES AVEUX D’UN SLAVOPHILE


J’ai décidé, en publiant l’an passé le premier numéro de mon Carnet, que je n’introduirais jamais ici, de critique littéraire. Mais les sentiments n’ont rien à voir avec la critique, même si on les exprime à propos d’une œuvre