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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

JUILLET-AOUT

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I

UNE CAUSERIE AVEC UNE DE MES CONNAISSANCES MOSCOVITES. — UNE OBSERVATION À PROPOS D’UN NOUVEAU LIVRE.


Après avoir publié à Petersbourg la livraison Mai-Juin de mon Carnet, j’ai repris le chemin du Gouvernement de Koursk. Mais en passant par Moscou, j’ai eu une conversation avec l’une de mes anciennes connaissances moscovites, un homme que je vois rarement, mais dont les opinions ont une haute valeur pour moi.

Je ne publierai pas toute notre causerie, bien qu’elle m’ait appris des choses infiniment intéressantes, — des choses d’actualité que je ne soupçonnais même pas.

En prenant congé de mon interlocuteur je lui annonçai mon intention de profiter de mon voyage pour aller visiter un endroit où j’ai passé une partie de ma première enfance, un village à cent cinquante verstes de Moscou. Ce village a appartenu jadis à mes parents, mais il est devenu depuis longtemps la propriété d’une autre branche de la famille. J’ai été quarante ans sans y aller. Bien des fois j’ai voulu partir pour m’y rendre, mais jamais les circonstances ne me l’ont permis. Et pourtant ce petit coin de terre insignifiant a laissé en moi une impression profonde et tout y est plein, pour moi, des souvenirs les plus chers.

Nos enfants d’à présent, auront-ils de tels souvenirs ? Il est certain qu’il y aura toujours quelque chose de saint