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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

de ce que chaque fois que la France a été en République, il a toujours semblé que le pays perdait de sa stabilité et de sa fermeté de direction. La République n’a jamais fait l’effet sue d’un pis-aller provisoire, en attendant des expériences sociales des plus dangereuses ou d’une trêve avant le coup de main d’un usurpateur. Dès que la République, est proclamée on se figure vivre dans un inter-règne et si bien, si prudemment que gouvernent les républicains, la bourgeoisie est toujours persuadée que demain ce sera l’avènement des « rouges » ou le retour de la monarchie ; ce qui fait que la bourgeoisie a beaucoup plus d’affection pour un gouvernement conservateur que pour la République. Et pourtant l’empereur Napoléon III est presque entré en pourparlers avec les socialistes, tandis qu’aucun parti au monde ne peut être aussi hostile au socialisme que le parti républicain proprement dit. C’est le mot de République qui gâte tout. Les socialistes, eux, se moquent des étiquettes. Ils veulent des faits. Peu leur importent la République ou la Monarchie ; ils ne s’inquiètent guère de rester Français ou de devenir Allemands ; et vraiment je crois que, si le Pape pouvait leur être utile, ils acclameraient le Pape. Ce qu’ils cherchent c’est leur affaire, c’est-à-dire le triomphe du Quatrième État et légalité dans la répartitions des biens de ce monde. Les drapeaux leur sont indifférents.

Il est assez curieux de voir que le prince de Bismarck exècre d’une même aversion le socialisme et la Papauté et que, ces temps derniers, le gouvernement allemand a manifesté une réelle crainte de la propagande socialiste. C’est sans doute parce que le socialisme est essentiellement destructeur de l’idée nationale et que le principe nationaliste est la base de toute l’unité allemande.

Il se peut que le prince de Bismarck ait eu des vues plus profondes, qu’il ait su prévoir que le socialisme tiendra plus tard toute l’Europe occidentale et, qu’en attendant, le jour où la Papauté ne trouvera plus d’appui dans les gouvernement survivants, elle se jettera dans les bras du socialisme. Le Pape s’en ira par le monde pieds nus, mendiant, proclamant que les temps prédits par l’Évangile sont venus et que le Christ est avec la