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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

de chef d’État satisfait : « J’y suis, j’y reste ! » n’est pas un de ces hommes d’action capables de poser consciemment une question de ce genre. Pourtant il l’a soulevée, cette question, l’une des plus graves de celles qui divisent la vieille Europe. Et pourquoi l’a-t-il fait juste au moment où renaissait, à l’autre bout de l’Ancien monde, cette autre question mondiale, la question d’Orient ? Pourquoi toutes ces questions renaissent-elles, — je dis toutes parce qu’il y en a bien d’autres, — alors qu’il ne semble y avoir aucun lien entre elles ? La voilà, l’énigme ! Ce qui me fait dire tout cela, c’est que la diplomatie, en général, envisage toutes ces questions avec un absolu dédain. Non seulement elle n’admet pas qu’il y ait coïncidence entre elles, mais elle se refuse à penser quoi que ce soit à leur sujet : « Ce sont des niaiseries, des mirages. Il n’y a rien du tout. Si le maréchal de Mac-Mahon a parlé dans un sens plutôt que dans un autre, c’est qu’il obéissait à un désir exprimé par sa femme. Voilà tout. » C’est pourquoi je suis forcé, moi qui ai tout le premier déclaré que ce temps était par excellence celui du règne des diplomates, de ne pas croire à ma déclaration. Encore une énigme !

Non, décidément ce n’est pas la diplomatie qui résout les difficultés, mais quelque chose d’autre, quelque chose d’insoupçonné. Je suis très contrarié d’en venir à cette conclusion, alors que j’étais tout prêt à croire en la diplomatie. Toutes ces questions nouvelles sont des soucis de plus pour nous.

III

LA QUESTION ALLEMANDE MONDIALE, L’ALLEMAGNE
LE PAYS QUI PROTESTE


Quelle est la tâche de l’Allemagne aujourd’hui ? Pourquoi cette tâche s’est-elle transformée, est-elle devenue si difficile, et cela, depuis peu ?