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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

balivernes qui ont vraiment la vie trop dure. J’admettrais fort bien cette manière de voir, si, en même temps, nous ne nous trouvions en présence d’une énigme que la diplomatie n’a, certes, pas posée ; à aucun prix, la diplomatie ne recherche les énigmes ; elle les fuit au contraire, comme passe-temps indignes d’esprits supérieurs. L’énigme pourrait se formuler ainsi : « Comment se fait-il que, surtout dans notre dix-neuvième siècle, chaque fois que se pose une question mondiale, toutes les autres questions, de toute nature reviennent sur l’eau ? » Voyez : En même temps que reparaît la question d’Orient, voici qu’une question extrêmement grave surgit en France, la question catholique. Ce n’est pas seulement parce que le Pape va mourir et que la France, comme puissance catholique, s’inquiète à juste titre des changements qui peuvent survenir dans la politique de l’Église, mais encore parce que le catholicisme est une sorte de drapeau, accepté par tous les partisans de l’ancien état de choses antirévolutionnaire. La Révolution sociale menace tous les anciens fiefs bourgeois, organisés au lendemain de 1789, dans le but de substituer aux féodaux de la bourgeoisie des hommes nouveaux. Et ici, je dois abandonner un instant mon thème pour introduire une parenthèse. Il semblera monstrueux à nos sages libéraux que je traite la France de nation catholique. Eh bien ! pour expliquer ma pensée, j’affirmerai : d’abord sans preuves, que la France est et demeurera le pays catholique par excellence, même s’il n’y a plus un de ses habitants qui croie au Pape ni même à Dieu, et que cela durera jusqu’au moment où la France cessera d’être la France, pour devenir tout autre chose. Le socialisme, lui-même, y commencera avec une organisation catholique, gardera au début le ton catholique, tant ce pays est profondément empreint de catholicisme. Pour l’instant, je n’entends rien démontrer de tout cela de façon détaillée ; je me contenterai de faire cette simple observation. Pourquoi le maréchal de Mac-Mahon a-t-il été si pressé de soulever, sans raison apparente, la question catholique ? Ce brave guerrier, du reste presque toujours battu, et qui s’est rendu célèbre par cette phrase