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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN


MAI-JUIN


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I


À PROPOS DES LETTRES ANONYMES INJURIEUSES


Cette année, je ne suis pas allé à l’étranger. Me voici dans le Gouvernement de Koursk.

Mon médecin, ayant appris que j’avais l’intention de passer l’été à la campagne, — et justement dans cette région, — m’a prescrit de boire de l’eau d’Essentouk, affirmant que cela me serait beaucoup plus favorable que l’eau d’Ems, à laquelle, disait-il, j’étais déjà habitué. Mon devoir est de déclarer que j’ai reçu beaucoup de lettres de mes lecteurs, m’apportant leurs condoléances au sujet de ma maladie.

Depuis que je publie mon Carnet j’ai toujours été comblé de lettres signées ou anonymes, généralement très aimables et qui m’ont soutenu et encouragé dans ma tâche. Jamais je n’aurais osé compter sur tant de sympathies, et même je ne m’en sens pas toujours digne !

Ces lettres me sont précieuses, et je ne vois aucun mal à l’avouer publiquement. On m’accusera de vantardise et de vanité ; qu’on en pense ce qu’on voudra, du reste ; je ne veux, moi, que témoigner ma reconnaissance à mes correspondants. Je ne suis plus assez jeune pour ne pas comprendre que ma satisfaction exaspérera un certain nombre de sévères messieurs. Mais de ces messieurs-là, moi j’en ai par-dessus la tête.

Sur plus d’une centaine de lettres qui me sont parve-