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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

unira toute l’humanité dans un réel amour mutuel ? Admettront-elles que nous ayons le désir de ne nous emparer de rien, de donner simplement, dans la tranquillité de notre force, le goût du désintéressement et de l’union humaine. Cette union, nous la voyons dans le développement le plus libre de toutes les tendances humaines, dans l’emprunt que se feront mutuellement toutes les races de leurs meilleures particularités organiques. Oh ! que l’humanité comme un arbre magnifique ombrage toute la terre heureuse !

Demandez au peuple, demandez au soldat pourquoi ils se lèvent ! Interrogez-les sur ce qu’ils désirent dans cette guerre ? Ils vous répondront comme un seul homme qu’ils marchent pour servir le Christ et pour libérer leurs frères opprimés. Aucun d’eux ne pense à une annexion territoriale possible. Oui, c’est dans cette guerre que nous saurons montrer nos desseins pour l’avenir de la Russie et de l’Europe. Ce que nous voulons, c’est l’Union !

Puisqu’il en est ainsi, notre idée est sacrée ; ce n’est plus du tout l’instinct bestial des nations accapareuses qui nous anime, mais bien l’espoir de faire le premier pas vers la paix éternelle à laquelle nous avons le bonheur de croire, vers l’union indissoluble et le bonheur véritable de l’humanité.

Il ne faut donc pas toujours préconiser la paix. Ce n’est pas dans la paix à tout prix que sera le salut : il peut se trouver dans la guerre !


III


LE SANG VERSÉ PEUT-IL SAUVER ?


« Mais c’est toujours du sang et encore du sang ! » répètent les sages. Tout cela c’est des mots ! Tous