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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

tant de nos compatriotes ignorent la véritable situation. Heureusement, nos Tzars et notre peuple la connaissent. Alexandre Ier connaissait bien notre force quand il disait qu’il laisserait repousser sa barbe et se retirerait dans nos forêts avec son peuple, mais qu’il ne céderait pas à Napoléon. L’Europe se briserait contre notre résistance. Jamais elle n’aurait assez d’argent et jamais elle ne saurait assez s’organiser, divisée comme elle l’est, pour nous vaincre.

Quand tous les Russes sauront que nous sommes si forts, il n’y aura plus besoin de guerres ; l’Europe croira en nous ; elle nous découvrira, comme jadis l’Amérique. Mais il faut pour cela que nous nous découvrions nous-même avant tout et que nous n’ignorions plus que toute désunion chez nous est une folie, que nous devons toujours marcher avec notre peuple.


II


LA GUERRE N’EST PAS TOUJOURS UN FLÉAU
MAIS BIEN PARFOIS LE SALUT


Mais nos « sages » se sont cramponnés à l’autre côté de la question. Ils prêchent l’amour, l’humanité ; ils pleurent sur le sang que l’on va verser, ils gémissent en songeant que cette guerre nous rendra encore plus « bestiaux », que, partant, nous tournons le dos en cette perfection qu’ils rêvaient pour nous tous.

Certes, la guerre est une grande calamité, mais dans les raisonnements de nos sages il entre une grande part d’erreur. Et puis nous en avons assez de tous ces sermons bourgeois ! Je, me figure qu’il y a plus de hauteur morale dans le fait de sacrifier sa vie pour ce que l’on croit une cause saine que dans tout le catéchisme bourgeois.

Une guerre pour la possession de nouvelles richesses, une guerre entreprise pour le plus grand bien des bour-