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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

représenter l’humanité comme très différente de ce qu’elle est véritablement, on n’abdiquera pas si facilement ses droits de propriété ; la famille et la liberté ne désarmeront pas ; le nouveau système sera la tyrannie aidée de l’espionnage ; les hommes futurs seront en réalité unis malgré eux, par la force. — Mais les meneurs mettent en avant l’utilité, la nécessité, affirment que les hommes, pour se sauver de la destruction, seront prêts à tout accepter joyeusement. On leur opposera encore les droits individuels, l’impossibilité de créer par la violence une société harmonieuse ; en fin de compte on les défiera de prouver qu’ils aient un motif moral quel qu’il soit, et la suprême conclusion sera qu’on les attendra de pied ferme s’ils attaquent.

Et voilà la solution européenne de la question sociale. Les deux forces ennemies sont dans l’erreur et périront dans l’erreur.

Chez nous, le plus pénible c’est que les Lévine demeurent pensifs et irrésolus à côté des problèmes à résoudre. Et pourtant la seule solution possible est celle qui viendra de Russie ; et cette solution n’est pas appropriée uniquement aux besoins de la nation Russe ; elle peut régler les rapports de toute l’humanité. Ai-je besoin de dire qu’elle sera morale, c’est-à-dire chrétienne ? En Europe on n’est pas près de la trouver, celle-là, bien qu’il soit évident que les nations occidentales devront l’adopter après avoir versé des flots de sang et fait tomber des millions de têtes. On sera forcé d’y venir parce qu’elle seule est praticable.


IV


LA SOLUTION RUSSE DE LA QUESTION


Si vous avez senti qu’il est injuste que vous passiez votre temps à chasser, manger, boire et paresser et, si