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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN


DÉCEMBRE




I


ENCORE L’AFFAIRE SIMPLE ET COMPLIQUÉE


Vous vous rappelez cette Catherine Prokofieva Kornilova, cette marâtre qui, au mois de mai dernier, par dépit contre son mari, jeta par la fenêtre sa petite belle-fille, âgée de six ans. On s’est souvenu de cette affaire, surtout parce que la fillette, précipitée d’un quatrième étage, ne s’est rien cassé, rien abimé et se trouve aujourd’hui dans un état de santé excellent.

Je ne vais pas recommencer mon article ; peut-être mes lecteurs ne l’ont-ils pas oublié complètement. Je répéterai seulement que cette affaire m’avait paru extraordinaire et qu’on l’avait, selon moi, envisagée à un point de vue un peu trop simple.

La malheureuse criminelle était enceinte et irritée par les reproches de son mari. Mais son désir de vengeance n’était peut-être pas la cause principale du crime. Pour moi, l’état morbide de la coupable devait surtout être pris en considération. Elle avait dû connaître ces étranges crises dont souffrent les femmes enceintes, ces crises qui ressemblent à des accès de folie et qui poussent, parfois, à la perpétration d’actes abominables. Je donnais cet exemple d’une dame de Moscou qui, à une certaine époque de ses grossesses, succombait toujours à de folles tentations de voler. Elle gardait son discernement, mais ne pouvait résister à sa manie.