Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

de la Patrie, en confondant la publicité avec la littérature à scandales. Nous aimons la publicité, ce petit démon qui mord de ses dents jeunes, fortes et saines, nouvellement percées. Parfois le diablotin ne mord pas à propos ; parfois il ne sait où mordre et il mord au hasard, mais ce sont erreurs d’enfant ; elles sont excusables ; nous en rions, pleins d’amour pour le petit être. Nous rions encore quand il ne craint pas d’offenser les frères Méléante eux-mêmes, ces Méléante dont le nom devint si rapidement fameux en Russie. Tout cela vient d’une santé exubérante, d’une jeune force inexpérimentée. Tout cela est excellent comme indice d’avenir.




IV



Mais que parlons-nous de publicité ? Dans chaque société il existe un juste milieu, une médiocrité dorée qui a la prétention de primer tout le reste. Les messieurs qui représentent cette aurea medocritas sont d’un amour-propre terrible. Leur or médiocre brille, et ils méprisent tout ce qui ne brillent pas, tout ce qui est obscur, inconnu. Gare aux novateurs avec eux ! Leur méchanceté est exquisement obtuse quand il s’agit de persécuter une idée nouvelle que toutes les intelligences n’ont pu encore s’assimiler. Mais quels partisans fanatiques ne deviennent-ils pas de cette même idée quand elle a enfin obtenu droit de cité ? Ils en oublient leurs premières persécutions. Oui, ils adopteront l’idée après tout le monde, mais ensuite, incapables de comprendre qu’une idée vraie doit se développer et par conséquent donner naissance à une idée nouvelle et lui céder le pas, ils s’attarderont à défendre avec rage l’opinion tardivement embrassée, et cela contre tous les intérêts intellectuels de la jeune génération. Mais ces messieurs de la médiocrité dorée se moquent pas mal des jeunes générations ; tous ceux qui ont débuté