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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

JUILLET-AOÛT




I


LE DÉPART À L’ÉTRANGER. LES RUSSES EN WAGON


Depuis deux mois je ne me suis pas entretenu avec mes lecteurs. Après la publication du numéro de juin, j’ai pris le chemin de fer pour me rendre à Ems. Je n’y ai pas été pour me reposer, mais bien pour faire ce que l’on fait à Ems. Décidément tout ceci est trop personnel, mais il m’arrive d’écrire mon « carnet », non seulement pour mes lecteurs, mais aussi pour moi-même. C’est pourquoi, sans doute, on y peut trouver tant de choses qui peuvent paraître incohérentes, tant de pensées à moi familières qui, conçues après de longues réflexions, me paraissent naturelles et logiques, mais surprennent le lecteur, qui ne leur voit de liaison ni avec ce qui précède ni avec ce qui suit. Mais comment ne parlerais-je pas de mon départ pour l’étranger ?

Certes, si cela ne dépendait que de moi, je préférerais me rendre dans le sud de la Russie, où :


Avec sa largesse coutumière,
Le sol, pour un travail facile,
Rend au centuple, au laboureur,
Ce qu’il a semé dans les champs féconds.


Mais il paraît que les choses ne se passent plus là comme au temps où le poète rêvait du pays. Ce n’est qu’après un travail très pénible que le laboureur récolte ce qu’il a semé, et la moisson ne donne plus cent pour un !

22.