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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN
II


AU SUJET D’UN ÉTABLISSEMENT. PENSÉES PARALLÈLES.


La fausseté et le mensonge nous guettent de tous côtés, au point de nous faire sortir parfois de notre calme.

Au moment où le procès de Mme Kaïrova se déroulait devant le tribunal, je suis allé voir la maison des Enfants Abandonnés, où je n’étais jamais entré, mais que je désirais connaître depuis longtemps. Grâce à un médecin de ma connaissance, j’ai pu tout visiter. Plus tard je raconterai cette visite en détail. Je n’ai pris ni notes ni chiffres. Dès l’abord, j’ai compris qu’on ne pouvait tout voir d’un seul coup et qu’il me faudrait revenir une autre fois. Actuellement je me propose de partir pour la campagne afin de voir les nourrices auxquels on confie les enfants.

Je donnerai donc plus tard ma description ; pour l’instant, je ne veux parler que des impressions glanées dans une première visite.

J’ai vu le monument de Betzky, une enfilade de salles magnifiques où l’on a réparti les petits, les cuisines, les étables où sont logées les génisses qui serviront à la vaccination des pensionnaires, les réfectoires, partout une exquise propreté, ce qui ne gâte rien ; des groupes de petits enfants attablés, des fillettes de cinq ou six ans jouant « au cheval », la division des jeunes filles de seize ans et plus, anciennes élèves de la maison, et qu’on forme au service tout en leur faisant achever leur éducation. Ces dernières savent déjà quelque chose. Elles ont lu des livres de Tourgueneff, ont leurs petites façons de voir, très nettes, ont causé avec nous très aimablement. Mais les surveillantes m’ont plu encore davantage : elles sont toutes de physionomie affable (et je ne pense pas qu’elles aient pris cet air-là rien qu’en l’honneur de notre visite), paraissent bonnes et intelligentes. Quelques-une ont de