résultat d’obtenir un peu d’indulgence pour la criminelle. Et voilà pourquoi j’en veux à la banale naïveté de vos procédés, messieurs les défenseurs.
D’un autre côté, nos tribunaux ne sont-ils pas, à un certain point de vue, une école de morale pour notre peuple ? Quel enseignement voulez-vous que ce peuple tire des harangues prononcées au cours des audiences ? Parfois on va jusqu’à lui servir de simples plaisanteries. M. Outine, à la fin de son plaidoyer, ne s’est-il pas amusé à appliquer à sa cliente ce verset de l’Évangile : « Elle a beaucoup aimé, il lui sera beaucoup pardonné » ? C’est délicieux, d’autant plus que le défenseur savait très bien que ce n’est pas parce qu’elle avait aimé — comme l’entend M. Outine — que le Christ avait pardonné à la pécheresse. Je trouverais irrévérencieux de citer en entier, à ce propos, ce sublime et attendrissant passage de l’Évangile. Je préfère consigner ici une observation personnelle, qui ne touche M. Outine ni de près ni de loin. Dès l’époque où j’étais élève de l’École militaire, j’ai remarqué que mes condisciples croyaient fermement, en général, à une sorte d’indulgence du Christ pour cette attrayante faiblesse, — la luxure. Je me souviens de m’être souvent posé cette question : Pourquoi les jeunes gens sont-ils si enclins à s’expliquer de la sorte ce passage de l’Évangile ? Ils semblent, pourtant comprendre assez bien les autres. J’ai conclu que leur contresens avait une cause physiologique. Avec leur bonté naturelle, de jeunes Russes ne pouvaient trouver bien coupable, chez d’autres, une faiblesse qu’ils partageaient, dès qu’ils jetaient un regard du côté d’une jolie femme. Et du reste, je sens que je viens de dire une sottise, mais je suis sûr que M. Outine sait fort bien comment il convient d’interpréter le texte en question.