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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

AVRIL
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I


quelques mots sur des questions politiques


Tout le monde parle des questions politiques du jour, tout le monde s’y intéresse ; et peut-on s’en désintéresser ? Un homme très sérieux que j’ai rencontré par hasard m’a demandé le plus gravement du monde « Eh bien ! Aurons-nous la guerre ? Ne l’aurons-nous pas ? » Je suis demeuré un peu étonné. Bien que, comme tout le monde, je suive avec intérêt les événements, j’avoue que je ne me suis jamais demandé si la guerre était inévitable ou non. Il paraîtrait que j’ai eu raison : tous les journaux annoncent l’entrevue prochaine, à Berlin, des trois chanceliers et, sans doute, l’interminable affaire d’Herzégovine recevra une solution satisfaisante pour le sentiment russe. Du reste, je n’ai guère été troublé des paroles du Baron de Roditsch. Elles m’ont plutôt amusé quand je les ai lues pour la première fois. Plus tard on a fait beaucoup de bruit à leur sujet. Il me semble pourtant que ces paroles ont été dites sans intention d’offenser personne ; je ne leur ai attribué aucune portée politique. Je crois que ce baron a tout simplement un peu radoté quand il a parlé de l’impuissance de la Russie. Il a dû songer en lui-même : « Si nous somme plus fort que la Russie, cela veut dire que la Russie n’est guère solide. Nous somme plus fort qu’elle parce que Berlin ne nous laissera jamais à la discrétion de la Russie. Berlin admettra peut-être que nous nous mesurions avec l’Em-