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JANVIER


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I


LE PETIT MENDIANT


Cette année-là, aux approches de Noël, je passais fréquemment dans la rue devant un petit garçon de sept ans à peine, qui se tenait toujours blotti dans le même coin. Je le rencontrai encore la veille de la fête. Par un froid terrible, il était vêtu comme en été et portait en guise de cache-nez un mauvais morceau de chiffon enroulé autour de son cou. Il mendiait, il faisait la main, comme disent les petits mendiants pétersbourgeois. Ils sont nombreux, les pauvres enfants que l’on envoie ainsi implorer la charité des passants, en geignant quelque refrain appris. Mais ce petit-là ne geignait pas ; il parlait naïvement comme un gamin novice dans la profession. Il avait aussi quelque chose de franc dans le regard, ce qui fit que je m’affermis dans la conviction que j’avais affaire à un débutant. À mes questions, il répondit qu’il avait une sœur malade qui ne pouvait travailler ; c’était peut-être vrai. Du reste, ce n’est qu’un peu plus tard que j’ai su le nombre énorme d’enfants qu’on envoie ainsi mendier par les froids les plus épouvantables. S’ils ne récoltent rien, ils peuvent être sûrs qu’ils seront cruellement battu en rentrant. Quand il a obtenu quelques kopeks, le gamin s’en retourne, les mains rouges et engourdies, vers la cave où une bande d’espèces de marchands d’habits ou d’ouvriers fainéants, qui abandonnent la fabrique le samedi pour n’y reparaître que le mecreredi

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