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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

décision princière en les deux articles qui suivent : 1o Le comte de Chambord n’exige aucun changement de drapeau jusqu’au moment où il prendra le pouvoir ; 2o Il proposera alors à l’Assemblée une résolution conforme à son honneur et capable de satisfaire la nation et l’Assemblée.

C’est avec tout cela que Chesnelong était parti et c’est cette décision si honorable et si satisfaisante que l’Assemblée aurait fait supplier le comte de Chambord de bien vouloir confirmer.

Or le comte n’a rien confirmé du tout, et sa lettre semble mettre fin — pour l’instant — à toute tentative de restauration. Voici ce qu’il a écrit à M. Chesnelong :

« Quoique, malgré tous vos efforts, les malentendus ne se dissipent pas, je déclare que, de mes précédentes déclarations, je ne désavoue rien et ne retire rien. Les prétentions qui se produisent à la veille de mon avènement me donnent la mesure des exigences ultérieures. Je ne puis consentir à commencer un règne de réorganisation, de restauration, par un acte de faiblesse. On se plaît à opposer la rudesse de Henri V à l’esprit de conciliation de Henri IV, soit ; mais je voudrais savoir qui oserait me conseiller de renoncer au drapeau d’Arques et d’Ivry… »

Il a écrit plus loin :

« … Affaibli aujourd’hui, je deviendrais demain impuissant. Il s’agit de rétablir sur ses bases naturelles une société profondément troublée ; il s’agit de ramener le règne des lois ; nous voulons faire renaître le bien-être au dedans, conclure au dehors de solides alliances et nous ne craindrons pas d’avoir recours à la force pour que triomphent l’ordre et la justice. »

Et sa conclusion est celle-ci :

«La France ne peut périr, le Christ aime encore ses Francs, et quand le Seigneur Dieu est décidé à sauver un peuple, il veille à ce que le sceptre soit tenu par une main assez forte pour le conserver. »

Nous sommes tenté de récrire encore ce que nous écrivions récemment : « Il y a en ce monde un grand caractère de plus. » Il est, certes, magnanime de renoncer au trône pour ne pas trahir ses principes. Mais après