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DEUXIÈME PARTIE


I

Un instant après, nous riions comme des fous.

— Mais laissez-moi vous raconter, s’écriait Aliocha, dont la voix sonore couvrit nos rires. J’ai des choses des plus intéressantes à vous dire. Finissez donc !

Il brûlait de nous communiquer ses importantes nouvelles. Mais sa gravité étudiée lui donnait un air si drôle que nous fûmes pris de fou rire, et plus il se fâchait, moins nous étions en état de le retenir. Son dépit, son désespoir enfantin, nous mirent dans cet état d’esprit où il suffit d’un geste du petit doigt pour vous forcer à vous tordre de rire.

À la fin, Natacha, s’apercevant que notre rire dépitait Aliocha, parvint à reprendre son sérieux.

— Nous sommes prêts à t’entendre, dit-elle.

— Je vais vous raconter tout ce qui a eu lieu et tout ce qui aura lieu, car je le sais déjà. Je vois, chers amis, que vous voudriez savoir où j’ai passé ces cinq jours, et je veux vous le raconter, mais vous ne me laissez pas commencer. D’abord, Natacha, sache que je te trompais, et depuis longtemps déjà ; voilà justement le principal.

— Tu me trompais !

— Oui, depuis un mois, je puis maintenant parler franchement. Il y a un mois, mon père m’a écrit une longue, longue épître, dont je ne vous ai rien dit. Il m’annonçait tout