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l’escalier. Elle n’a pas encore eu le temps de descendre, pensai-je, et je me mis à écouter sur le palier. Mais tout était silencieux, et l’on n’entendait pas le moindre bruit ; seulement une porte d’un étage inférieur se ferma, et tout retomba dans le silence.

Je courus en bas. L’escalier, à partir de mon logement, entre le cinquième et le quatrième, était un escalier tournant ; mais depuis le quatrième il descendait tout droit. Il était sale, noir et sombre, un de ces vieux escaliers qu’on trouve ordinairement dans les grandes constructions divisées en petits logements. À cette heure, il y régnait l’obscurité la plus complète. Je descendis jusqu’au quatrième, je m’arrêtai, et il me vint tout à coup à l’idée qu’il y avait là, sur le palier, quelqu’un qui se cachait. Je me mis à chercher en tâtonnant, la petite était là, dans le coin, la figure tournée contre la muraille, et pleurait en silence.

— Pourquoi as-tu peur ? lui dis-je. Je t’ai effrayée, j’ai eu tort. Ton grand-père, quand il est mort, a parlé de toi ; ç’a été sa dernière parole… Il est resté ici des livres, sans doute les siens. Comment t’appelles-tu ? Où demeures-tu ? Il a dit que tu demeurais à la sixième ligne…

Mais je n’achevai pas. Elle poussa un cri, arraché sans doute par l’idée que je savais où elle demeurait, me repoussa de sa main amaigrie, et se mit à descendre précipitamment l’escalier. Je la suivis, j’entendais le bruit de ses pas ; tout à coup ce bruit cessa… Quand j’arrivai en bas, elle avait disparu. J’allai jusqu’au bout de la rue, mais mes recherches furent vaines. Elle se sera cachée quelque part dans l’escalier, me dis-je.

XI

Tout à coup je me heurtai à un passant qui, la tête baissée et plongé dans ses rêveries, marchait d’un pas rapide. Mon étonnement fut grand lorsque je reconnus Ikhméniew. Ce