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Nicolas Serguiévitch était extrêmement agité.

— Vania, me dit-il, elle aime beaucoup les fleurs ; préparons-lui pour son réveil demain une surprise comme celle qu’elle et Henri ont faite à sa mère, tu sais, ce qu’elle nous a raconté avec tant d'émotion...

— C'est justement ce qu’il faut éviter, les émotions, lui dis-je...

— D’accord ! mais les émotions agréables, c’est différent ; elles n’ont rien de dangereux, tu peux m’en croire : au contraire, elles peuvent avoir une heureuse influence, elles peuvent la guérir.

Il était si épris, si ravi de son idée que je n’eus pas le courage de le contredire. Je voulus en parler au docteur; mais Ikhméniew courait déjà arranger la chose.

— Il y a tout près d'ici, me dit-il, une magnifique serre où l’on peut avoir des plantes et des fleurs très-bon marché, étonnamment bon marché... Explique la chose à ma femme, qu’elle n’aille pas tout de suite se fâcher à cause de la dépense... C’est entendu... Ah ! oui, encore un mot. Où veux-tu aller à présent ? Ton travail est terminé, tu es libre, tu n'as rien qui le presse de retourner chez toi. Reste ici, tu coucheras dans la chambre haute, tu sais, comme autrefois ; tu y retrouveras ton lit tel que tu l’as laissé et tu y dormiras comme un roi. Ça va ? tu restes ! Nous nous lèverons de bon matin, on nous apportera des fleurs, et à huit heures nous aurons garni la chambre ; Natacha nous aidera ; elle a plus de goût que nous deux ensemble... Voyons, décide-toi. Tu restes, n'est-ce pas ?

Je me décidai à rester ; le vieillard alla faire son achat de fleurs, le docteur et Masloboïew prirent congé et nous quittèrent. On se couchait tôt chez les Ikhméniew. En partant, Masloboïew avait l'air préoccupé et semblait vouloir me dire quelque chose ; mais il n'en fit rien. Lorsque j'eus grimpé dans ma chambrette, je fus tout surpris de l'y trouver assis devant la table et feuilletant un livre en m'attendant.

— J’ai rebroussé chemin, Vania ; j'ai à te parler, et je crois qu'il vaut mieux le faire tout de suite. Assieds-toi. Vois-tu, c'est une bêtise...

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